Etude de cas |
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Les acteurs à lorigine de ce projet sont des agriculteurs de la région Picardie (en rouge sur la carte de France ci-dessous), installés sur le territoire de la Communauté de Communes de Picardie Verte. Réunis au sein du CERNODO (Comité dExpansion Rurale du Nord Ouest de lOise), une antenne de la chambre dagriculture de lOise, ils souhaitent développer un projet éolien et y investir. 1- Situation géographique Le territoire dintervention du CERNODO correspond à celui de la Communauté de Communes de Picardie Verte (CCPV), au Nord Ouest de lOise, entouré en noir sur la carte ci-dessous. La communauté de communes regroupe 89 communes de petites tailles. Sa surface totale est de 630 km2. Elle compte 28500 habitants, répartis sur quatre cantons. La population active représente 45% des habitants, avec un taux de chômage de 11%. Une grande part de lactivité est liée à lagriculture. 625 exploitations agricoles sont répertoriées sur les quatre cantons (données 2000), essentiellement orientées vers les grandes cultures ou lélevage laitier. La CCPV comprend aussi 418 entreprises artisanales, et 121 industrielles. Les deux entreprises phares de la communauté de communes pourvoient à elles seules 11% des emplois. Les paysages de la CCPV sont très diversifiés. Les vastes plateaux du centre, favorables à limplantation déoliennes, sont séparés par un réseau de vallées sèches, qui se greffe sur des vallées principales drainées et profondes. Les altitudes décroissent progressivement du Nord, où lon atteint 213m, à 140m dans le fond des vallées du Sud. 2- Le contexte régional (source DR ADEME Picardie) Le développement dun projet éolien sinscrit généralement dans un périmètre très localisé (une voire quelques communes). Actuellement les Collectivités Locales, sensibles aux retombées financières, se montrent accueillantes aux porteurs de projets mais ont néanmoins du mal à évaluer objectivement les propositions et à apprécier la pertinence des choix dimplantation eu égard au regard des caractéristiques réglementaires, techniques et environnementales locales. Cet empressement dans la prise de décision rapide, cette « passivité » dans les choix daménagement du territoire peut favoriser un développement anarchique et engendrer linquiétude des populations locales, quelles soient élues ou citoyennes. Cest pourquoi il semble important, que la mise en uvre des projets éoliens sinscrive dans un contexte géographique différent des seules limites communales. La LOADDT (Loi dOrientation, dAménagement et de Développement Durable du Territoire) offre cette possibilité de mener une réflexion concertée sur les perspectives locales de développement de lénergie éolienne, à léchelle dune inter-communalité, dun territoire, voire au delà. Le potentiel de développement ainsi défini géographiquement, permet de mieux organiser dans lespace limplantation des parcs et denrichir les documents durbanisme mis en uvre dans le cadre de la nouvelle Loi SRU (Solidarité Renouvellement Urbain) : Charte de projets, Schéma de COhérence Territoriale, Plans Locaux dUrbanisme etc. Il sagit donc à travers cette démarche dimpliquer et de redonner aux décideurs et acteurs locaux, les moyens de participer à la prise de décision et dorienter les choix dimplantation de parcs éoliens à une échelle géographique qui intègre au mieux les caractéristiques locales et favorise la cohérence des politiques daménagement du territoire. Sur le plan de la concertation, la mise en place dun groupe de réflexion à léchelle « territoriale » permet de constituer un niveau intermédiaire de concertation sinscrivant pleinement dans la continuité des dispositifs de suivi locaux et des « Comités Technique Eolien » mis en place sur les 3 départements. LADEME et le Conseil Régional de Picardie souhaite accompagner ces initiatives locales qui serviront à enrichir les perspectives régionales de développement de léolien. Pour cela, un outil daide à la décision a été élaboré par lADEME Picardie pour permettre aux acteurs locaux de mieux cerner le potentiel de développement local de lénergie éolienne. Cet outil daide à la décision sinscrit dans une démarche préventive et/ou curative, qui peut favoriser la cohérence des projets et améliorer lacceptation sociale de lénergie éolienne. 3- Origine du projet La discussion à lorigine du projet éolien a été lancée par un agriculteur au cours dune réunion déchanges au CERNODO. Cette structure rassemble des agriculteurs au sein de neuf groupes de développement. Ces « GDA » (Groupe de Développement Agricole) ou « CETA » (Centre dEchange en Techniques Agricoles) sont des associations lois 1901, qui permettent aux agriculteurs déchanger sur leurs pratiques et de sinformer sur les nouveautés grâce à la présence dun conseiller animateur, employé par la Chambre dagriculture. Cest au sein dun de ces CETA qua démarré la réflexion sur les éoliennes. Après avoir fait intervenir le chargé détudes de la DR ADEME Picardie à loccasion dune première réunion dinformation, le groupe a ensuite organisé plusieurs formations. Avec lappui dune conseillère de la Chambre dagriculture, ils ont obtenu un financement de ces formations par le VIVEA, fond de financement de la formation des agriculteurs, qui a couvert 80 % de leurs coûts. Très vite et afin dacquérir une existence juridique, ils ont créé une association relais, ADER Picardie Verte (Association pour le Développement des Energies Renouvelables en Picardie Verte). Celle-ci leur a permis de renforcer la dynamique de groupe, de disposer dune meilleure identification, et de dialoguer avec les différents partenaires (Elus de la Communauté de Communes, ADEME, Chambre dAgriculture,..). Actuellement, un groupe dune quinzaine de personnes est constitué. Initialement composé dagriculteurs, des particuliers sensibles au projet, non agriculteurs, lont rejoint. Ces derniers ont adhéré progressivement, à la suite de diverses réunions dinformations (éoliennes, bois énergie) de lassociation ADER. La communication du CERNODO auprès des autres groupes de développement via un bulletin envoyé régulièrement à ses adhérents a permis de relayer linformation et dintéresser dautres agriculteurs. 4- Motivations des acteurs locaux Les motivations des agriculteurs à linitiative du projet sont diverses. - Tout dabord, les agriculteurs souhaitent participer à la protection de lenvironnement. Souvent accusés dêtre des pollueurs, ils veulent par ce projet montrer quils se soucient aussi décologie et améliorer limage du métier dagriculteur. Avant même le lancement de ce projet, beaucoup étaient déjà sensibilisés à la question de lénergie (chauffage au bois, isolation des logements ) et du développement durable. - Par ailleurs, les éoliennes apparaissent comme une source de revenu intéressante, une diversification par rapport aux activités agricoles traditionnelles. Certains des membres du groupe avaient été contactés par des développeurs éoliens qui souhaitaient implanter des éoliennes sur leurs parcelles. Au lieu de se contenter du loyer des terrains, ils ont voulu participer plus activement au projet en y investissant. Par cette action, ils expriment le souhait de développer le lien social sur leur territoire et de favoriser un partage plus équitable des richesses liées à lexploitation du vent, au niveau local. - En simpliquant dans ce projet à connotation industrielle, ils ont aussi souhaité découvrir un domaine très différent de lagriculture. Ceci constitue une expérience pleine denseignements qui tisse des liens très forts au sein du groupe. 5- Un long apprentissage La première réunion dinformation a été organisées par le CERNODO. Elle a permis à de nombreux agriculteurs de mieux appréhender le contexte dans lequel sinscrivait le développement de léolien. Au cours de cette rencontre animée par la DR ADEME Picardie, différents thèmes ont alors été abordés parmi lesquels : - léolien dans le monde et en Europe - le contexte français et lhistorique de la filière - les engagements européens la France (protocole de Kyoto, directive EnR) - les évolutions réglementaires récentes qui ont conduit à la mise en place du système tarifaire en vigueur depuis juin 2001 - les impacts les plus souvent évoqués : le bruit, le paysage, lavifaune Une visite dun parc éolien à Boulogne sur Mer a complété cette première approche. Les agriculteurs ont pu grimper au sommet dune éolienne et découvrir les différents éléments de la nacelle. Une visite de site accentue toujours la motivation. Lorganisation dune formation « économie et financement » a permis de mettre en évidence les différents enjeux économiques et les différentes facteurs financiers qui président au développement et au financement dun projet éolien : garantie dachat de lélectricité, coût global et répartition de linvestissement (Développement, Eoliennes, Fondations, Accès, Raccordement, etc.), Coûts dexploitation (maintenance, provisions pour réparation, location du foncier, impôts ), rentabilité. Au cours dune formation intitulée « Quelles formes sociétaires pour des projets collectifs ? », les agriculteurs ont pu prendre la mesure des avantages et inconvénients des différents montages juridiques possibles. Cette formation était animée par un avocat indépendant, spécialiste en droit rural. Enfin, Ils ont participé à une formation en communication proposée par Trame (Fédération des groupes de développement agricole) pour apprendre à défendre leur projet et à parler en public. Des exercices pratiques et des jeux de rôles permettent dapprendre à gérer son stress, de parler clairement dun projet, de structurer ses propos. Contact Trame - Ancema - Bcma - Fnasavpa - Fngeda 9, rue de La Baume - 75008 Paris - Tél : 01 44 95 08 00 - Fax : 01 40 74 03 02 E-mail : trame@trame.org Site Internet : http://www.trame.org Toutes ces formations ont pu être organisées grâce à lappui de la Chambre dagriculture. Pour les formations « statuts juridiques » et « communication », le groupe des agriculteurs intéressés par éolien a été associé à dautres agriculteurs porteurs de projets très différents tels que création dune boucherie de producteurs. Ces différents projets leur ont permis de solliciter le VIVEA (fond de financement de la formation des agriculteurs). En favorisant les échanges et les interventions extérieures, la démarche a été très enrichissante pour lensemble des participants. 6- La recherche dun site dimplantation Lassociation ADER Picardie dont la majorité des membres vivent sur la Communauté de Communes de Picardie Verte a dès le départ exprimé le souhait de développer un site éolien sur leur territoire et de travailler en partenariat avec les élus locaux. Des rencontres successives avec des représentants de la communauté de communes et de lADEME les ont convaincu que lapproche intercommunale permettait de mener une réflexion à une échelle adaptée. Ils souhaitaient également se démarquer des opérateurs éoliens déjà très présents qui sétaient contentés de contacter ponctuellement les communes disposant de sites favorables. Lassociation a donc commandé une étude permettant didentifier les contraintes et les potentialités du territoire de la Picardie Verte. Elle a montré que les sites les plus favorables (éloignement des habitations, surface importante, distance aux postes sources réduite, ) faisaient déjà lobjet daccords fonciers ou dengagements communaux pour que tel ou tel opérateur initie des études plus approfondies. Si certains sites restent accessibles, ils sont situés, sans y être inclus, à proximité de zones naturelles protégées. La DIREN nacceptant de donner un avis formel quau moment de linstruction du permis de construire, le risque est apparu trop important pour le groupe dagriculteurs qui cherchent très en amont à minimiser au maximum le risque lié à la non obtention du permis de construire. Enfin, de nombreuses municipalités deviennent réticentes à laccueil dun site éolien en raison de lévolution annoncée de la fiscalité locale. La communauté de communes de Picardie Verte ne dispose pas encore dune taxe professionnelle unifiée (TPU). Quand les premiers opérateurs éoliens sont arrivés, les communes étaient toutes très favorables à limplantation déoliennes sur leur territoire. Depuis que la mise en place de la TPU est en projet, certaines communes se demandent quel intérêt à long terme elles auraient à accueillir des éoliennes. Dans ce climat dincertitude, à la suite de ces constats, le groupe a finalement décidé délargir la zone de recherche. Un site a été identifié dans la Somme. Ce dernier, hors de toute zone de contraintes réglementaires, présente aux yeux de groupe de nombreux atouts : le maire et le conseil municipal sont favorables au projet et leur commune nest pas encore en Communauté de communes. Des contacts ont été pris avec les exploitants et les propriétaires fonciers concernés afin de définir les modalités dindemnisation. 7- Montage juridique Cest à lissue de la formation juridique que le choix du groupe sest porté sur la société par actions simplifiée (SAS), principalement parce que cette société présente une grande souplesse dans la constitution des statuts. La SA et la SARL exigent un formalisme beaucoup plus rigide. Quant à la SNC, elle a été très vite écartée : la responsabilité des associés est illimitée et solidaire, au lieu dêtre limitée aux apports comme pour les autres sociétés. Le rôle de cette société est dapporter dans les premiers temps les financement nécessaires à la phase de développement du projet, la phase dobtention des droits. Si le permis de construire est accordé, les associés valoriseront le risque couru au moment de réunir les fonds propres. Il est prévu que la société ouvre son capital à dautres investisseurs en privilégiant les acteurs locaux. 8- Conclusion La constitution dune structure associative a permis au groupe initial, composé dagriculteurs, dacquérir une identité et dengager une démarche de formation collective, indispensable avant denvisager avec clarté de sengager dans le développement dun projet éolien. Le monde agricole a depuis longtemps lhabitude du travail de groupe. Il existe aujourdhui en France 13 300 CUMA (Coopératives dUtilisation en commun de Matériel Agricole) regroupant 240 000 agriculteurs. Les chambres dagricultures et les organisations agricoles jouent incontestablement un rôle central dans laccompagnement initial des porteurs de projet. Elles peuvent en outre faciliter le regroupement dagriculteurs intéressés. Le problème majeur auquel seront à lavenir confronté les agriculteurs et plus généralement les groupes de particuliers voulant sengager dans le développement de projets, sera laccès au foncier. Le territoire de la Picardie Verte est lillustration de ce qui est constaté un peu partout en France. Les meilleurs sites sont déjà contrôlés par les nombreux développeurs éoliens qui depuis trois ans se sont lancés dans une course effrénée pour le contrôle des secteurs potentiels dimplantation. Obligé de sorienter vers des sites plus modestes, les investisseurs locaux pourraient être tentés de développer des petits projets, dune ou deux éoliennes. Dans tous les cas, le principal risque encouru est de ne pas obtenir le permis de construire et de perdre linvestissement apporté pour le développement. En fonction du contexte territorial, il peut être raisonnable de renoncer à développer un projet (et par conséquent à la valorisation du risque) et de négocier une entrée dans le capital des futures sociétés dinvestissement des parcs éoliens en cours de développement. Moins rémunérateur, linvestissement est aussi moins risqué tout en constituant un bon placement et un geste citoyen en faveur du développement durable. |
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